La fille du pape, Dario Fo

L’auteur

 

Dario Fo est né en 1926 dans un petit village de Lombardie. Après des études inachevées dans le domaine des Beaux-Arts et de l’architecture, il se dédie principalement au théâtre. Il collabore avec la RAI, pour laquelle il écrit des monologues comiques. En 1959, il crée avec son épouse,  Franca Rame, une troupe de théâtre qui porte son nom. Il écrit de très nombreuses comédies, ainsi que des satires politiques et sociales. Il est connu pour son anticonformisme et son anticléricalisme.

Dario Fo a également fait du cinéma, à la fois comme metteur en scène et interprète.  Doué pour la peinture et le dessin, il réalise lui-même les affiches de ses spectacles.  En 1997, il reçoit le prix Nobel de littérature pour son œuvre théâtrale. Il publie son premier roman en 2014, « La figlia del papa« .

Pour en savoir plus sur l’auteur : http://www.dariofo.it/

 

La fille du pape

 

La fille du pape

Pour son premier roman, Dario Fo s’est intéressé à une famille, les Borgia, qui a fait couler beaucoup d’encre et dont l’histoire a inspiré de nombreuses œuvres artistiques. L’auteur a choisi de centrer son récit sur la belle Lucrèce, et nous raconte son histoire mouvementée, à partir de l’arrivée de son père, qui n’était alors que le jeune Cardinal espagnol Rodrigue Borgia, à Rome.

Après une enfance relativement calme, Lucrèce apprend tardivement, comme ses frères et sœurs, qu’elle est la fille du pape Alexandre VI, Rodrigue Borgia. Dès lors, le pape aura une influence grandissante sur la vie de ses enfants, et plus particulièrement de César et de Lucrèce. Ainsi, il nomme son fils, César Borgia cardinal. Puis il arrange le mariage de sa fille.

Lucrèce se marie d’abord avec Giovanni Sforza, qui est le neveu du cardinal qui a favorisé l’élection d’Alexandre VI. Il s’agit donc d’un mariage arrangé par son père et son frère. Ce sont eux également qui, trois ans plus tard, décident que l’union doit être rompue et qui obligent l’époux à signer un document attestant que le mariage n‘a jamais été consommé.

Lucrèce tombe ensuite amoureuse du fils du roi Alphonse II de Naples, lequel consent à l’union de son fils, après l’intervention de César Borgia. Lucrèce apprendra peu après que le destin n’avait pas présidé à la rencontre des deux jeunes gens, mais que celle-ci avait été provoquée par son père, le pape, et son frère, César.

Enfin, après le décès d’Alphonse d’Aragon, dont l’assassinat a été commandité par César Borgia, c’est à un autre Alphonse qu’est promise Lucrèce : Alphonse d’Este, fils aîné du Duc de Ferrare, Hercule d’Este.

Dario Fo nous entraîne ans une époque difficile, -c’est un euphémisme-, où tout est permis. Les assassinats se succèdent, mais ils ne sont que des incidents sur la voie qui mène au pouvoir :

« On raconte qu’à l’époque cette infâme prouesse suscita plus d’éloges que d’indignation. La grande ruse de César, et la détermination de condottiere avec laquelle il s’était débarrassé de ses rivaux, lui valurent l’admiration de tous. Evidemment, certaines atrocités, lorsqu’elles font le jeu des intérêts politiques ou personnels, peuvent aussi être considérées comme des vertus. » (p178)

Homme de théâtre avant tout, Dario Fo lit plusieurs épisodes de l’histoire des Borgia à la lumière de la Commedia dell’Arte. Il multiplie les références théâtrales, essayant de tomber les masques pour découvrir le rôle que chacun joue :

« Nous avons donc affaire à un fieffé libertin, toutefois doté d’une certaine pudeur. Appelez-la hypocrisie de prélat si vous préférez, comme le dit Molière dans son Tartuffe.» (p32)

« La fille du pape » est un bon roman historique qui pointe du doigt une famille aux alliances changeantes, et dont l’un des buts premiers est d’annexer le Royaume de Naples. A l’inverse de sa famille, Lucrèce apparaît comme dotée d’un grand sens moral et d’une loyauté à toute épreuve. En effet, elle n’hésite pas à lever des troupes pour aider son frère César en difficulté, alors que celui-ci n’a jamais poursuivi que ses intérêts propres.  Lucrèce fut aussi une femme éprise de culture, qui a beaucoup souffert de la solitude, et n’a jamais pu développer des relations de confiance avec sa famille. En revanche, elle suscitait l’admiration de tous ceux qui avaient eu affaire à elle :

« Lucrèce, malgré une situation politique chancelante, avait réussi à gagner l’admiration et l’amour du peuple et de la Cour. Son charme et sa propension à écouter et à secourir ceux qui s’adressaient à elle, avaient prévalu sur tous les préjugés et les médisances dont son nom était entouré, et avaient même franchi les frontières du duché de Ferrare. » ( p216)

Dario Fo n’a pas le talent de conteur d’un Stefan Zweig, mais sa biographie romancée de Lucrèce Borgia se laisse lire avec plaisir. Il nous présente une Lucrèce pleine d’attention pour les autres, qui fut une victime entre les mains d’un père et d’un frère prêts à tout pour satisfaire leur soif de pouvoir.

La fille du pape, Dario Fo, traduit de l’italien par Camille Paul, Grasset, Paris, avril 2015, 275p.

17 réflexions sur “La fille du pape, Dario Fo

      • « Faut pas payer »! Je ne sais pas ce que donne la pièce à la lecture mais , bien sûr, la mise en scène et les acteurs en font une réussite. Et « Johan Padan à la découverte des Amériques » un texte génial, et « Histoire du Tigre « … j’ai vu les trois pièces au festival OFF d’Avignon.

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      • Je vais demander à ma libraire… Et si à l’occasion, je vois une pièce de Dario Fo au théâtre, je n’hésiterai pas. Mais ce sera pour plus tard, il n’y a rien de cet auteur pour la saison en cours, du moins près de chez moi. En attendant, j’ai de quoi lire, je te remercie beaucoup !

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  1. celui-ci est pour moi (encore un, je sais!!!!) je suis fascinée par les « Borgia » encore plus depuis la série sur canal+. j’essaie depuis de trouver des livres qui leur sont consacrés. mais ce n’est pas évident.
    je suis une fan inconditionnelle du manga de Fuyumi Soryo « Cesare » elle en est au T10 et se fait aider par un historien. Cesare est très beau dans ce manga avec ses boucles brunes et sont intelligence.. il a inspiré Machiavel pour « le Prince » dit-on…

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      • je pense que cela devrait lui plaire. les planches sont superbes, mettant en évidence l’architecture italienne de la Renaissance, les héros sont tous intéressants avec leur personnalités propres.
        En plus, l’auteure a su mêler la grande Histoire et les petites en amenant un jeune étudiant à l’université issu de milieu défavorisé, que Cesare prend sous sa protection.
        j’ai critiqué (encensé plutôt car je suis vraiment fan) les T1 à 7 dans mon blog.
        c’était mon premier contact avec les mangas et depuis je continue

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