Sull’orlo del precipizio, Antonio Manzini

« Sull’orlo del precipizio » n’est malheureusement pas traduit ni adapté en français. Il serait temps car ce petit roman dystopique ne le sera peut-être bientôt plus. Celui qu’on pourrait intituler « Au bord du précipice » a été écrit en 2015 et nous annonce un futur qui n’est déjà plus si improbable aujourd’hui; il évoque la mondialisation appliquée au monde de l’édition : horreur et damnation pour les écrivains et leurs lecteurs !
 
sull'orlo del precipizio antonio manzini
 
Giorgio Volpe est l’un des plus grands écrivains italiens. Il vient de terminer un roman de huit cents pages qui ne nécessiteront que peu de corrections et comme d’habitude, il appelle Fiorella Chiatti, l’éditrice qui travaille avec lui depuis vingt-cinq ans. Volpe n’arrive pas à la joindre et tandis qu’il apprend qu’elle vient de prendre sa retraite, il voit arriver chez lui un étrange duo, constitué d’un Calabrais et d’un Russe qui affirment remplacer son éditrice attitrée.
 
Après une rapide enquête, Volpe s’aperçoit qu’un nouveau colosse éditorial est né, la « Sigma », qui englobe l’ancienne maison d’édition de Volpe, ainsi que les principales éditions italiennes. Leur politique éditoriale ? Réécrire les classiques en en éliminant les métaphores, la poésie, ou les situations désagréables : ils changent ainsi la fin d’Anna Karénine, ils modifient le titre du célèbre « Guerre et paix » qui devient simplement « Paix » car évoquer la guerre angoisse les lecteurs. « La montagne magique », « Les trois mousquetaires » et  » Les fiancés » font aussi les frais de cette nouvelle politique éditoriale. Quant aux premières publications, elles sont taillées à souhait et standardisées afin de correspondre au mieux au goût du public. Et c’est bien ce qui risque d’arriver au dernier roman de Giorgio Volpe…
 
Voilà un texte divertissant -il a y de belles trouvailles, « j’adore », tout en la détestant bien sûr, la façon dont a été rebaptisé le célèbre « Cercle des lecteurs » de Turin- mais il est aussi très inquiétant : les livres sont devenus des produits comme les autres et les auteurs se voient contraints d’accepter un système qui place l’argent au-dessus de tout, les entraînant vers un futur qui privilégie la médiocrité au détriment de la culture. C’est un roman pour le moins amer et qui est d’un réalisme troublant parce qu’il se fonde sur un processus de globalisation dont on ne peut que constater chaque jour les progrès (si l’ont peut employer ce terme ici). Pourvu que cela ne se réalise pas, même si l’on en voit déjà les effets ! Mais les auteurs et les lecteurs peuvent encore se rebeller, reste à trouver de quelle façon …
 
Sull’orlo del precipizio, Antonio Manzini, Sellerio editore Palermo, 2015, 115 p. 
 
 
 
Roman lu en VO dans le cadre du challenge Il Viaggio organisé par Martine