C’est la troisième enquête du commissaire Bordelli que je lis et je n’ai pas été déçue, bien au contraire ! Nous sommes à la fin de l’année 1965 dans une Florence hivernale où les précipitations quotidiennes hésitent entre pluie et neige. Le commissaire Bordelli se demande avec qui il passera le réveillon de Noël et il interroge ses collègues à ce sujet.
Le travail le rappelle bien vite à l’ordre : un homme vient d’être assassiné chez lui, une paire de ciseau plantée dans la nuque. Les indices sont minces et Bordelli n’est pas très motivé. Il faut dire que la victime lui fait horreur, depuis qu’il a découvert qu’il s’agissait de Badalamenti, un usurier qui faisait chanter ceux qui étaient tombés sous sa coupe, allant même jusqu’à racheter leurs biens à bas prix, les plongeant dans une ruine certaine.
On s’en doute, la nouvelle de la mort de Badalamenti fait plus d’un heureux, parmi lesquels se cache sans doute le meurtrier. Faisant fi de la légalité, comme à son habitude, Bordelli décide d’aller rendre visite aux créanciers de l’usurier et de leur rendre lui-même les traites qui les liaient à l’odieux profiteur.
Bordelli se retrouve seul pour cette enquête, son fidèle adjoint, le jeune sarde Piras, étant en convalescence en Sardaigne : une fusillade lui a en effet causé une vilaine blessure à la jambe et il se remet doucement dans sa famille. Mais son instinct professionnel n’est pas au repos, et le suicide d’un proche lui paraissant suspect, il se lance sur les traces d’un ingénieur au passé trouble.
Marco Vichi nous emmène tranquillement sur ces deux pistes que les deux enquêteurs mènent séparément. Mais l’intrigue, peu compliquée, n’est pas l’objet de ce « giallo » : le thème central est bien le commissaire lui-même, dont l’auteur explore la psychologie et l’histoire.
Le commissaire Bordelli a l’impression désagréable de mal vieillir. Beaucoup de choses ont changé autour de lui et il regrette le passé. Certes, ses souvenirs de guerre sont toujours présents, comme dans les deux volumes précédents, mais il y a autre chose cette fois. Les jeunes qu’il a l’occasion de rencontrer dans son enquête lui font entrevoir l’existence d’un fossé entre leur génération et la sienne. Et pourtant, il se sent attiré par la jeune et belle Marisa qui lui rappelle Milena, dont il partageait la vie dans « Une sale affaire ».
Bordelli se demande s’il ne doit pas commencer à préparer sa retraite : à cinquante-cinq ans, il envisage de chercher une maison dans la campagne florentine où il pourrait jardiner et se retirer d’un monde de moins en moins fait pour lui. Mais parviendra-t-il vraiment à quitter sa ville ? Florence est d’ailleurs l’autre personnage central de « Il nuovo venuto », une ville bien éloignée de celle que les touristes connaissent : c’est une Florence populaire, celle des petites gens, des petits délinquants, ceux que fréquentent habituellement Bordelli, ceux qui n’ont pas été gâtés par la vie et auxquels le commissaire n’oublie d’ailleurs jamais de rendre justice.
Enfin, il y a les amis fidèles du commissaire. Rosa, bien sûr, pour qui il cherche un cadeau de Noël sortant de l’ordinaire, et puis le légiste Diotivede, avec lequel il échange toujours quelques piques bienveillantes, sans oublier Botta, le repris de justice fin-cuisinier qui a appris la cuisine du monde dans les différentes prisons qu’il a fréquentées…
L’ensemble donne un roman nostalgique, plein de sensibilité, et très humain. L’enquête policière n’est finalement que secondaire. Bordelli est un commissaire au grand cœur, un peu solitaire, mais sachant néanmoins s’entourer quand les circonstances le demandent. Un roman dont on attend avec impatience la traduction en français mais dont je suivrai, sans hésitation, la suite des aventures en italien !
Il nuovo venuto, Marco Vichi, edizioni TEA, Milano, mars 2015, 426 p.
Livre lu dans le cadre du mois italien et du challenge Leggere in italiano.