La peinture italienne au musée Condé de Chantilly

dsc_0768Entre toutes les merveilles que possède le château de Chantilly et notamment le musée Condé, de nombreuses peintures de la Renaissance italienne méritent plus que largement le détour ! Elles ont été rassemblées au XIXème siècle par le duc d’Aumale, alors propriétaire du domaine.

C’est à l’âge de huit ans, en 1830, qu’Henri d’Orléans, duc d’Aumale, devient le nouveau seigneur du domaine de Chantilly dont il hérite de son parrain, le duc de Bourbon, dernier des Condé. Le duc d’Aumale est français par son père, Louis-Philippe, duc d’Orléans, qui deviendra roi des Français en 1830, et italien par sa mère, Marie-Amélie de Bourbon-Sicile. En 1844, il épouse sa cousine, Marie-Caroline de Bourbon-Sicile. Historien, bibliophile, et collectionneur d’art, et notamment de peintures, le duc d’Aumale acquiert pendant toute sa vie des œuvres prestigieuses qu’il expose au sein du château de Chantilly.

A sa mort, il lègue le château et ses collections à l’Institut de France, en exigeant notamment que la muséographie qu’il a adoptée continue à être respectée. Parmi les trésors accumulés par le Duc d’Aumale se trouvent de magnifiques tableaux de grands maîtres italiens, dont la collection de son beau-père le Prince de Salerne qu’il a acquise en 1852, que l’on peut donc admirer dans la disposition que le Duc d’Aumale avait choisi. Voici quelques-unes des plus célèbres de ces œuvres :

 

portrait-de-simonetta-vespucci-piero-cosimoPiero di Cosimo, Portrait de Simonetta Vespucci, vers 1490.

madone-de-la-maison-dorleans-raphaelRafaello Sanzio, dit Raphaël, La Madone de la maison d’Orléans, vers 1506-1507.

les-trois-gracesRaffaello Sanzio, dit Raphaël, Les Trois Grâces, vers 1504-1505.

le-mariage-mystique-de-saint-francois-dassiseStefano di Giovanni, dit Sassetta, Le mariage mystique de Saint François d’Assise, 1437-1444.

allegorie-de-lautomne-boticelliSandro Botticelli, L’allégorie de l’automne.

Et aussi Filippo Lippi, Fra Angelico, Ghirlandaio… Pour plus d’infos, je vous conseille de consulter le site du domaine de Chantilly.

 

 

La galerie des Carrache, histoire et restauration, aux éditions Faton

 

Galerie des Carrache

 

 

Joyau de la renaissance à Rome, le palais Farnese est aussi le siège de l’Ambassade de France depuis 1874. Clou de la visite, la célèbre galerie des Carrache, qui est à nouveau ouverte au public après dix-huit mois de restauration. Il s’agit là de la toute première restauration complète de ce chef-d’oeuvre de la peinture à Rome : un plafond somptueux qui n’a rien à envier à celui de la Chapelle Sixtine !

Une peu d’histoire d’abord : la galerie des Carrache, ou plus exactement des Carracci, du nom de deux frères, a été réalisée entre 1597 et 1608 par le peintre originaire de Bologne Annibale Carracci, aidé de son frère Agostino et de ses élèves. Il s’agissait d’une commande passée par le riche cardinal Odorado Farnese, petit-neveu du Cardinal Alessandro, lui-même petit-fils du pape Paul III Farnese qui fit bâtir ce magnifique palais. Odorado Farnese demanda aux frères Caracci de peindre les amours des dieux grecs et de fait, l’ensemble est une véritable célébration de l’amour, d’un paganisme assez audacieux. L’œuvre fait état d’une grande liberté et d’une grande originalité qui a séduit beaucoup d’artistes italiens, et français ayant réalisé, comme Stendhal, le « voyage de Rome ».

 

voute restaurée carrache

La voûte restaurée

 

Le très beau livre des éditions Faton consacre une première partie à l’histoire du palais Farnese et de ses décors, puis s’attache à la restauration proprement dite de la galerie, dans une seconde partie qui détaille les différents projets de restauration, les difficultés rencontrées et les techniques utilisées, le tout dans une exigence de respect absolu de ce chef-d’œuvre. Les auteurs sont d’éminents spécialistes, architectes, conservateurs, historiens… Au total, c’est un ensemble de peintures, de sculptures, de stucs et de marbres d’une valeur exceptionnelle qui est à nouveau présentée au public.

 

Triomphe de Bacchus et Ariane

Le triomphe de Bacchus et Ariane, détail.

 

Le livre est enrichi de nombreuses illustrations, -reproductions, photographies, desseins-, dont beaucoup en double-page. Il est complété par une reproduction du plafond de la galerie des Carrache dans son ensemble, et d’un plan nommant les diverses figures mythologiques représentées.

Un magnifique voyage dans l’art et l’histoire, à la découverte d’un patrimoine exceptionnel à ne surtout pas manquer lors d’un séjour à Rome. Je remercie Babelio et les éditions Faton de m’avoir envoyé ce très beau livre !

 

La galerie des Carrache, Histoire et restauration, éditions Faton, Dijon, 2015.

 

 

 

La reine vénitienne, Silvia Alberti de Mazzeri

Silvia Alberti de Mazzeri est l’auteur de biographies historiques et de nombreux articles publiés dans des magazines d’histoire italiens. Elle nous propose ici la biographie romancée de Catherine Cornaro, fille d’une des plus anciennes familles de Venise, qui est devenue Reine de Chypre en épousant le Roi Jacques II de Lusignan. Un destin hors du commun pour une jeune fille issue d’une famille de marchands.

La reine vénitienne

Nous sommes à Venise en 1510. Catherine Cornaro est mourante. Le cardinal Giulio Orsini est à ses côtés et écoute le récit de la vie de la reine de Chypre pour qui tout a commencé au couvent de Padoue, en 1471. C’est là que la jeune fille apprend que le roi de Chypre, Jacques II de Lusignan, l’a choisie pour épouse, après être tombé amoureux de son portrait, la « Dame voilée ».

Pendant l’été 1472, à contrecœur, la jeune promise voyage en bateau vers son nouveau foyer, à la rencontre d’un roi qu’elle ne connaît pas encore. Le roi de Chypre avait d’abord refusé d’épouser la Princesse Sofia, nièce du roi de Naples, après avoir découvert que celle-ci avait du sang byzantin dans les veines, ce dont il ne voulait pas pour ses enfants. Il choisit alors Catherine Cornaro pour sa beauté, du moins celle que lui a laissé deviner le portrait, car le roi n’a jamais vu Catherine. Il est vrai que le roi est endetté envers la famille Cornaro qui possède les plus belles terres de Chypre. Il est donc important pour lui de se lier avec ceux qui l’ont financé, ce qui lui permettra également de s’appuyer à l’avenir sur la puissance politique et financière des vénitiens.

Dès son arrivée à Famagouste, et en dépit de l’accueil qui lui est d’abord réservé, Catherine tombe sous le charme du roi auquel elle se donne, dans la salle d’Armes, avant même la cérémonie officielle du mariage. Le roi Jacques a un caractère bien à part : il est réputé volage, n’en fait qu’à sa tête et disparaît souvent pour de longues parties de chasse. Pourtant, le mariage est heureux. Mais il sera malheureusement trop court.

« La reine vénitienne » est un très bon roman historique qui nous entraîne sur l’île de Chypre, qui était alors la proie de luttes incessantes entre le Royaume de Naples et la République de Venise qui cherchaient tous les deux à s’en emparer. La jeune reine de Chypre se retrouve seule pour faire face à un destin difficile, et mène avec talent la lutte contre de nombreux ennemis, en tant que régente de Chypre, dans le but de transmettre le trône à son fils, Jacques III de Lusignan.

Il y a dans ce roman historique tous les ingrédients du genre, amour et tendresse, aventures, coup bas et trahisons. L’auteur sait captiver le lecteur et c’est à regret que nous quittons la courageuse « Reine vénitienne » après près de cinq cent pages qui filent d’une traite !

 

La reine vénitienne, Silvia Alberti de Mazzeri, traduit de l’italien par Alexandre Boldrini, J’ai lu n°10 747, mai 2014, 473 p.

 

Lu dans le cadre du challenge Il viaggio, du challenge vénitien et du challenge Histoire.

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La fille du pape, Dario Fo

L’auteur

 

Dario Fo est né en 1926 dans un petit village de Lombardie. Après des études inachevées dans le domaine des Beaux-Arts et de l’architecture, il se dédie principalement au théâtre. Il collabore avec la RAI, pour laquelle il écrit des monologues comiques. En 1959, il crée avec son épouse,  Franca Rame, une troupe de théâtre qui porte son nom. Il écrit de très nombreuses comédies, ainsi que des satires politiques et sociales. Il est connu pour son anticonformisme et son anticléricalisme.

Dario Fo a également fait du cinéma, à la fois comme metteur en scène et interprète.  Doué pour la peinture et le dessin, il réalise lui-même les affiches de ses spectacles.  En 1997, il reçoit le prix Nobel de littérature pour son œuvre théâtrale. Il publie son premier roman en 2014, « La figlia del papa« .

Pour en savoir plus sur l’auteur : http://www.dariofo.it/

 

La fille du pape

 

La fille du pape

Pour son premier roman, Dario Fo s’est intéressé à une famille, les Borgia, qui a fait couler beaucoup d’encre et dont l’histoire a inspiré de nombreuses œuvres artistiques. L’auteur a choisi de centrer son récit sur la belle Lucrèce, et nous raconte son histoire mouvementée, à partir de l’arrivée de son père, qui n’était alors que le jeune Cardinal espagnol Rodrigue Borgia, à Rome.

Après une enfance relativement calme, Lucrèce apprend tardivement, comme ses frères et sœurs, qu’elle est la fille du pape Alexandre VI, Rodrigue Borgia. Dès lors, le pape aura une influence grandissante sur la vie de ses enfants, et plus particulièrement de César et de Lucrèce. Ainsi, il nomme son fils, César Borgia cardinal. Puis il arrange le mariage de sa fille.

Lucrèce se marie d’abord avec Giovanni Sforza, qui est le neveu du cardinal qui a favorisé l’élection d’Alexandre VI. Il s’agit donc d’un mariage arrangé par son père et son frère. Ce sont eux également qui, trois ans plus tard, décident que l’union doit être rompue et qui obligent l’époux à signer un document attestant que le mariage n‘a jamais été consommé.

Lucrèce tombe ensuite amoureuse du fils du roi Alphonse II de Naples, lequel consent à l’union de son fils, après l’intervention de César Borgia. Lucrèce apprendra peu après que le destin n’avait pas présidé à la rencontre des deux jeunes gens, mais que celle-ci avait été provoquée par son père, le pape, et son frère, César.

Enfin, après le décès d’Alphonse d’Aragon, dont l’assassinat a été commandité par César Borgia, c’est à un autre Alphonse qu’est promise Lucrèce : Alphonse d’Este, fils aîné du Duc de Ferrare, Hercule d’Este.

Dario Fo nous entraîne ans une époque difficile, -c’est un euphémisme-, où tout est permis. Les assassinats se succèdent, mais ils ne sont que des incidents sur la voie qui mène au pouvoir :

« On raconte qu’à l’époque cette infâme prouesse suscita plus d’éloges que d’indignation. La grande ruse de César, et la détermination de condottiere avec laquelle il s’était débarrassé de ses rivaux, lui valurent l’admiration de tous. Evidemment, certaines atrocités, lorsqu’elles font le jeu des intérêts politiques ou personnels, peuvent aussi être considérées comme des vertus. » (p178)

Homme de théâtre avant tout, Dario Fo lit plusieurs épisodes de l’histoire des Borgia à la lumière de la Commedia dell’Arte. Il multiplie les références théâtrales, essayant de tomber les masques pour découvrir le rôle que chacun joue :

« Nous avons donc affaire à un fieffé libertin, toutefois doté d’une certaine pudeur. Appelez-la hypocrisie de prélat si vous préférez, comme le dit Molière dans son Tartuffe.» (p32)

« La fille du pape » est un bon roman historique qui pointe du doigt une famille aux alliances changeantes, et dont l’un des buts premiers est d’annexer le Royaume de Naples. A l’inverse de sa famille, Lucrèce apparaît comme dotée d’un grand sens moral et d’une loyauté à toute épreuve. En effet, elle n’hésite pas à lever des troupes pour aider son frère César en difficulté, alors que celui-ci n’a jamais poursuivi que ses intérêts propres.  Lucrèce fut aussi une femme éprise de culture, qui a beaucoup souffert de la solitude, et n’a jamais pu développer des relations de confiance avec sa famille. En revanche, elle suscitait l’admiration de tous ceux qui avaient eu affaire à elle :

« Lucrèce, malgré une situation politique chancelante, avait réussi à gagner l’admiration et l’amour du peuple et de la Cour. Son charme et sa propension à écouter et à secourir ceux qui s’adressaient à elle, avaient prévalu sur tous les préjugés et les médisances dont son nom était entouré, et avaient même franchi les frontières du duché de Ferrare. » ( p216)

Dario Fo n’a pas le talent de conteur d’un Stefan Zweig, mais sa biographie romancée de Lucrèce Borgia se laisse lire avec plaisir. Il nous présente une Lucrèce pleine d’attention pour les autres, qui fut une victime entre les mains d’un père et d’un frère prêts à tout pour satisfaire leur soif de pouvoir.

La fille du pape, Dario Fo, traduit de l’italien par Camille Paul, Grasset, Paris, avril 2015, 275p.

Une histoire romantique, d’Antonio Scurati

L’auteur

 

antonio scurati Antonio Scurati est né en 1969 à Naples. Il est chercheur à l’IULM de Milan (Université libre des langues et de la communication) où il dirige le Centre d’études sur les langages de la guerre et de la violence. Il a publié des essais et des romans. Il a été finaliste du Prix Strega et a remporté le Prix Super Mondello pour « Una storia romantica », publié en 2007. Il est également éditorialiste au journal « La Stampa ».

 

 

Une histoire romantique

 

une histoire romantiqueJ’ai choisi Une histoire romantique car je pensais avoir affaire à une lecture facile, distrayante, autrement dit, parfaite pour la période chargée des fêtes. Comme le titre et l’illustration de la couverture, –Le baiser, de Francesco Hayez- le suggèrent, Une histoire romantique nous raconte bien sûr une histoire d’amour. Mais celle-ci est finalement secondaire : Antonio Scurati nous offre avant tout un roman historique qui nous dévoile une page peu connue de l’histoire de l’Italie, celle du « Risorgimento », période qui a précédé et préparé l’unification de l’Italie. Une histoire romantique se veut en effet fidèle aux faits et personnages historiques, même si quelques personnages sont nés de l’imagination de l’auteur pour répondre aux exigences de la narration.

Parmi ceux-ci, le sénateur Italo Morosini. Nous sommes en 1885 et Morosini reçoit un manuscrit anonyme qui le ramène quarante ans plus tôt, en mars 1848, alors qu’il participait aux Cinq Glorieuses, épisode révolutionnaire pendant lequel les patriotes milanais ont repoussé l’occupant autrichien. Toute la première partie du livre est constituée par ce roman anonyme qui raconte l’histoire des derniers jours de Jacopo Izzo Dominioni, jeune noble patriote qui est amené à se battre sur les barricades afin de libérer la ville de Milan de l’occupant autrichien. Au cours de ces cinq journées décisives, naît également une véritable passion entre Jacopo et Aspasia, jeune fille fiancée à Italo, un ami de Jacopo qu’ils trahissent tous les deux au cours de la seule nuit que dure leur amour. Lors des mois suivants, Jacopo et Aspasia entretiennent une relation épistolaire passionnée, tandis que Jacopo poursuit la guerre contre l’armée autrichienne dans les montagnes du Nord de l’Italie, avant d’être retrouvé mort, au bord d’un chemin.

Retour en 1885. Le sénateur referme le livre anonyme, abasourdi : son mariage reposait depuis quarante ans sur cette trahison ! Toutes ces années, bâties sur un mensonge ! Il a en effet épousé Aspasia, peu après les Cinq Glorieuses. Aspasia est toujours sa femme, même s’ils ne se parlent plus guère.  Qui lui a fait parvenir ce roman anonyme, alors que le sénateur prépare justement une cérémonie de commémoration pour les héros des Cinq Glorieuses ? Cela aurait-il un quelconque rapport avec cet anarchiste rencontré dans un café de Milan ?

La seconde partie du roman emmène le lecteur en 1885, dans une Italie qui peine à réaliser son unification, au sein d’une Europe secouée par des attentats anarchistes. Je n’en dirai pas plus sur la fin du roman qui nous réserve une surprise, maintenant ainsi le lecteur en haleine. La seule critique que je formulerai concerne donc le titre et le choix de l’illustration de couverture qui ne reflètent pas la qualité du roman, même s’ils sont parfaitement justifiés : l’histoire revêt un aspect romantique par l’intrigue sentimentale qui la sous-tend, la période des Cinq Glorieuses se déroule en plein romantisme et de nombreux auteurs romantiques européens sont évoqués, enfin le tableau de Francesco Hayez, Le baiser, joue un rôle dans l’histoire elle-même.

Pour autant, le roman d’Antonio Scurati est bien davantage qu’une histoire romantique, et risque donc de rebuter les lecteurs qui s’attendaient à un roman sentimental. Les descriptions de l’insurrection milanaise et des batailles contre l’occupant étranger sont détaillées et l’ouvrage dans son ensemble est riche en citations et références extraites d’œuvres littéraires, musicales ou picturales du dix-neuvième siècle et, dans une moindre mesure, du vingtième siècle, comme l’explique l’auteur dans les deux derniers chapitres de l’ouvrage. Au total, il s’agit d’un texte de qualité que l’auteur a voulu semblable à un roman populaire de l’époque qu’il retrace, qui est d’une grande richesse et qui nous apprend beaucoup sur cette période de l’histoire de l’Italie.

Une histoire romantique, Antonio Scurati, traduit de l’italien par Dominique Vittoz, Flammarion, Paris, Novembre 2014, 456p.

 

Lecture réalisée dans le cadre du Challenge Il viaggio chez Eimelle,  du Challenge Histoire chez Lynnae, et du Challenge romantique chez Claudia Lucia.

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Le guépard, Giuseppe Tomasi di Lampedusa

L’auteur

 Giuseppe Tomasi, duc de Palma et prince de Lampedusa, est né en Sicile, à Palerme, en 1896. Il se passionne pour la littérature, mais commence à écrire sur le tard. C’est en effet entre 1955 et 1957, année de sa mort, qu’il rédige son seul roman, Le Guépard, aujourd’hui traduit dans toutes les langues. Lampedusa est également l’auteur d’un recueil de nouvelles, Le professeur et la sirène.

Le guépard

 

Il_gattopardoIl gattopardo  a été publié à titre posthume, un an après la mort de son auteur, Giuseppe Tomasi di Lampedusa. Le manuscrit avait d’abord été refusé par Elio Vittorini, écrivain et directeur littéraire des éditions Einaudi. Un refus qu’il motivait, dans une lettre adressée à Lampedusa, par le fait, entre autres, que le livre, déséquilibré dans sa structure, ne parvienne pas à atteindre son but : être à la fois le récit d’une époque et le récit de la décadence de cette époque.

Pourtant, c’est précisément ce que nous offre Le guépard. Lampedusa nous introduit en effet dans le quotidien d’une grande famille noble sicilienne, celle du prince Don Fabrizio Salina, au moment où Garibaldi débarque en Sicile avec ses troupes puis parvient à rattacher le royaume des Deux-Siciles au royaume d’Italie, après avoir progressé rapidement face à la faible résistance des soldats bourbons.

Le prince Salina lui-même, ne s’oppose pas à ce qui représentera un véritable bouleversement pour l’aristocratie, soutenant même son neveu Tancredi dans ses choix politiques, lui qui rejoint les libéraux de Garibaldi, par opportunisme, ayant compris que l’avenir était dans ce changement. Tancredi explique en effet à son oncle dans une des phrases clé du roman :

« se vogliamo che tutto rimanga com’è, bisogna che tutto cambi » (Si nous voulons que tout continue, il faut que d’abord tout change »).

Puisqu’une nouvelle domination apparaît sur la Sicile qui a déjà subi de nombreux épisodes de colonisations étrangères, Tancredi a choisi d’être acteur de ce changement, afin de garder son pouvoir et ses privilèges :

« se non ci siamo anche noi, quelli te combinano la repubblica » (Si nous n’y sommes pas, nous aussi, ils fabriqueront une république).

Le guépard est donc, de 1860 à 1910, la saga de cette famille noble -dont l’écusson orné d’un guépard donne son nom au livre-, et de sa disparition progressive, avec la perte de son influence et de ses biens, grands domaines agricoles et palais, au profit de la bourgeoisie en pleine ascension, représentée par Don Calogero, personnage intelligent, parvenu, mais sans aucune culture, et par sa fille, la très belle Angelica. Cette dernière est remarquée par Tancredi, au grand désespoir de sa cousine Concetta, la fille du prince Salina, qui espérait épouser le jeune homme. Tancredi choisira la fortune d’Angelica, plutôt que l’amour profond que lui porte sa cousine, parce qu’Angelica représente l’avenir.

Au roman historique, Lampedusa ajoute donc une étude psychologique moderne des personnages, en particulier du Prince Salina, dont il souligne la mélancolie fataliste, face au cours des événements, face à la décadence de toute une classe sociale.

Il gattopardo, qui a reçu le prestigieux prix Strega en 1959, est aujourd’hui devenu un classique de la littérature italienne. Il est, à mon avis, à conseiller à des lecteurs de niveau C1 en italien (avancé) au minimum. Ma préférence va à la lecture du roman original, d’abord, puis de sa traduction française ensuite, afin de saisir toutes les nuances. Je préfère cela nettement à une édition bilingue qui empêche une lecture fluide.

Le roman a été adapté au cinéma par Luchino Visconti, film qui constitue également un chef d’œuvre du cinéma italien, à la distribution prestigieuse : Burt Lancaster, Alain Delon, Claudia Cardinale, et qui obtint la Palme d’Or au festival de Cannes de 1963.

Il gattopardo, Giuseppe Tomasi di Lampedusa, Feltrinelli editore, Universale Economica, Milano, juillet 2010, 301 p.

Le guépard, Giuseppe Tomasi di Lampedusa, traduit de l’italien par Fanette Pézard, Seuil, collection Points, Paris, 1980, 251 p.

Le guépard, dans une nouvelle traduction de Jean-Paul Manganaro, Seuil, Paris, avril 2014.

Le guépard nouvelle traduction

 

Livre lu, en italien, puis en français, dans le cadre du challenge Leggere in italiano, du challenge Il viaggio et du challenge Histoire.

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