L’auteur
Né à Porto Empedocle, près d’Agrigente en Sicile en 1925, Andrea Camilleri a d’abord connu une longue carrière de metteur en scène et de réalisateur. Il a publié son premier roman à compte d’auteur en 1978, mais « Le cours des choses » fut alors un échec. Sa carrière de romancier ne commence qu’en 1981, à l’âge de cinquante-sept ans, avec la publication du roman « Il filo di fumo »/« Un filet de fumée », qui se déroule dans le bourg imaginaire de Vigatà.
En 1992, son second roman, « La saison de la chasse » paraît chez Sellerio. En 1994, avec « La forme de l’eau », il donne naissance au désormais célèbre commissaire Montalbano, dont la série éponyme sera adaptée à la télévision. Andrea Camilleri commence à remporter un grand succès et sa production devient très importante. À côté de la série des Montalbano, il est l’auteur de nombreux romans, parmi lesquels « La concession du téléphone » ou « La secte des anges », plus récemment publié en français.
En 2003, sa ville natale, Porto Empedocle, prend comme deuxième nom celui de la petite ville imaginaire de Vigatà où Camilleri situe la plupart de ses romans. Aujourd’hui, à presque quatre-vingt-dix ans, Camilleri continue à écrire. Sa dernière enquête du commissaire Montalbano, « La giostra degli scambi » est sortie en Italie en 2015.
La secte des anges
Andrea Camilleri n’est pas seulement le père du commissaire Montalbano. Il est également l’auteur de romans fondés sur des faits historiques qui se déroulent en Sicile. Une fois encore, il nous emmène sur sa magnifique île, mais dans un bourg imaginaire, Palizzolo. Nous sommes au début du XXème siècle et deux familles aristocratiques sont cloîtrées dans leur palais, pour cause de maladie contagieuse. Dans chacune de ces familles, une jeune fille âgée de dix-huit ans serait à l’origine de la maladie. Devant les volets fermés des belles demeures, la rumeur naît en un instant : le choléra est de retour ! Aussitôt, les voisins s’empressent de rassembler quelques affaires dans la plus grande hâte, avant de fuir à la campagne. Palizzolo se vide rapidement.
Face au désordre provoqué par la rumeur, les carabiniers interviennent et rétablissent la vérité : s’il s’agit bien d’une sorte d’ «épidémie», celle-ci est très particulière : les deux jeunes filles sont enceintes, chacune de deux mois. Et bien vite, on apprend qu’elles seraient quatre dans le même cas ! Aucune d’entre elles ne peut dire ce qui s’est passé : l’œuvre du Saint-Esprit, à leur avis !
L’avocat et journaliste Matteo Teresi se retrouve mêlé à cette histoire par l’entremise de son neveu Stefano. Il décide de tirer les faits au clair et découvre l’existence d’autres victimes du Saint-Esprit ! Mais Matteo Teresi est désigné comme responsable de la situation par sept des huit prêtres de la petite ville : lui qui dérange, parce qu’il est le défenseur des faibles, aurait provoqué la colère divine qui se déverse sur Palizzolo ! L’avocat mène alors son enquête et parvient à résoudre l’affaire, dont il révèle finalement tous les éléments dans son journal.
L’affaire ne s’arrête pas là : comme l’avait averti le capitaine des carabiniers, le vent risque de tourner pour Teresi; en effet, les justes ne sont pas toujours reconnus… L’intérêt principal de ce roman réside pour moi dans la façon dont l’auteur décrit comment, de héros de la vérité, Matteo Teresi est devenu pour l’opinion publique locale, le responsable de tous les maux dont souffre Palizzolo.
« Ce roman doit être considéré comme le pur produit de mon imagination » précise Andrea Camilleri dans sa postface ; La secte des anges n’en n’est pas moins fondée sur un fait réel survenu en 1901 en Sicile. Et la description que l’auteur nous propose des rapports entre les différentes classes sociales, aristocratie, clergé, bourgeoisie intellectuelle, paysannerie et mafia locale, bien sûr, est aussi très représentative de la Sicile de cette époque.
On y retrouve également toutes les figures de la comédie sicilienne que Camilleri met en scène avec humour, les carabiniers, le juge d’instruction, les prêtres, dans un langage fleuri truculent, qui fait de La secte des anges un roman savoureux, même s’il est grave sur le fond. Andrea Camilleri émaille ses récits de nombreuses expressions tirées du sicilien que bon nombre d’italiens non siciliens ne comprennent que par le contexte.
Le traducteur a fait ici un travail remarquable, utilisant en français des termes inconnus de beaucoup de lecteurs, mais qui sont tellement contextualisés qu’on en devine aussitôt le sens. À cet égard, j’ai fait quelques recherches et j’ai trouvé que certains termes français provenaient de patois, d’autres étaient argotiques, mais beaucoup sont restés pour moi sans explication. Si vous l’avez lu, peut-être pourrez-vous m’éclairer à ce sujet…
La secte des anges, Andrea Camilleri, traduit de l’Italien par Dominique Vittoz, Fayard, Paris, septembre 2014, 253p.
Livre lu dans le cadre du Challenge Il viaggio chez Eimelle.