La vie silencieuse de Marianna Ucria, Dacia Maraini

L’auteure

 

Née en 1936 près de Florence, Dacia Maraini est la fille d’un ethnologue florentin d’origine anglaise et d’une noble sicilienne. Elle passe sa prime enfance au Japon où son père effectue des recherches, puis la famille s’installe en Sicile chez les grands-parents maternels. Dacia Maraini grandit à Bagheria, près de Palerme, qui sert de cadre à « La vie silencieuse de Marianna Ucria ». Outre des romans, Dacia Mariani a publié des pièces de théâtre, de la poésie et des nouvelles. Elle fut la compagne de l’écrivain romain Alberto Moravia et est également connue comme figure du féminisme italien.

 

Le roman

 

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Publié en 1990, « La lunga vita di Marianna Ucria »/ La vie silencieuse de Marianna Ucria » remporte le prestigieux prix Campiello et est salué à la fois par la critique et par le public. Il a ensuite été adapté au cinéma, sous le titre de « Marianna Ucria » avec Emmanuelle Laborit dans le rôle principal.

L’héroïne du roman est une jeune noble sicilienne, sourde et muette. Emmurée dans son silence, elle observe le monde qui l’entoure et développe une grande acuité des autres sens, ce qui lui permet de deviner les pensées de ses proches.

Nous sommes en Sicile au début du XVIII ème siècle et le roman s’ouvre alors que la petite Marianna n’a que cinq ans. Son père l’emmène assister aux dernières heures d’un très jeune condamné, à la prison de la Vicaria à Palerme. Ils se rendent ensuite sur la place où la foule se presse pour assister à la pendaison. Monsieur Père espère qu’un choc salutaire rende la parole à sa fille.

En effet, Marianna n’a pas toujours été muette. Elle-même garde le souvenir confus du son de la voix de son père, de quelques bruits étouffés, mais elle n’en sait pas davantage. Marianna communique avec ses proches en écrivant de petits billets dont elle garde les plus précieux. Mais son existence se complique lorsqu’à treize ans elle doit épouser « l’oncle mari », qui n’est autre que son oncle, un vieux garçon qui a déjà la quarantaine et n’attend de Marianna qu’une seule chose : qu’elle lui donne rapidement des fils.

Marianna a cinq enfants. Elle en a porté davantage, comme toutes les femmes à cette époque. Elle a également perdu le petit Signoretto à l’âge de quatre ans, un enfant avec lequel elle avait développé une relation privilégiée. Une fois ses enfants devenus adultes, Marianna s’échappe dans la lecture et découvre les philosophes des Lumières, ce qui est très mal vu à l’époque, a fortiori pour une femme. Devenue veuve, et parce que son fils aîné ne remplit pas ses devoirs, elle décide de gérer elle-même le domaine des Ucria, mais elle doit pour cela se faire accepter par les fermiers.

Grâce à la lecture et à la connaissance, elle évolue et s’ouvre à une nouvelle vie, plus à l’écoute de ses sentiments, de ses désirs. Marianna Ucria est un magnifique personnage féminin : d’abord enfermée en elle-même de par son handicap, elle est mue par une grande détermination et s’ouvre aux autres et à la culture : elle développe une riche vie intérieure fondée sur l’intuition, la perception et la mémoire.

 

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D’autres personnages sont très attachants notamment le père de Marianna, qui a su développer une complicité avec sa fille, malgré les difficultés de communication, ainsi que la grand-mère qui apprend à lire et à écrire à Marianna. On assiste aux premières difficultés des familles nobles, grands propriétaires terriens, qui sont au centre du « Guépard » de Tomasi di Lampedusa : tout un monde qui doit s’adapter aux changements et notamment aux idées apportées par les philosophes des Lumières.

Dacia Maraini réussit parfaitement à nous plonger dans le XVIII ème siècle sicilien. Son style est fluide, mais la version originale italienne est émaillée de vocabulaire issu du dialecte sicilien. Je conseillerai donc plutôt la version française, sauf pour les spécialistes !

La lunga vita di Marianna Ucria, Dacia Maraini, Rizzoli, Milano, 1990, 265p.

La vie silencieuse de Marianna Ucria, Dacia Maraini, traduit de l’italien par Donatella Saulnier, Robert Laffont, Pavillons Poche, Pais, 2006, 413 p.

 

Livre lu en VO dans le cadre du challenge Il viaggio chez Eimelle et du challenge Leggere in italiano ici.

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