Une famille comme il faut / Storia di una famiglia perbene, Rosa Ventrella

L’auteur

 

Rosa Ventrella est née à Bari, mais elle vit à Crémone depuis plus de vingt ans. Diplômée en histoire contemporaine, elle enseigne, donne des conférences sur la condition féminine dans l’histoire. Elle a également travaillé comme éditrice et elle dirige des ateliers d’écriture à Crémone. Rosa Ventrella a publié plusieurs romans, mais « Une famille comme il faut » est le premier traduit en français. Il est en cours de publication dans de nombreux pays et il devrait bientôt faire l’objet d’une adaptation cinématographique. Le prochain roman de Rosa Ventrella, « La malalegna », paraîtra en Italie chez Mondadori en avril 2019.

 

Une famille comme il faut/Storia di una famiglia perbene

 

Maria de Santis est une gamine brune aux jambes maigres, insolente et rebelle, affublée par sa grand-mère du surnom de « Malacarne », littéralement « mauvaise viande », pour nous « mauvaise graine ». Mais un surnom, il vaut mieux en avoir un dans ce quartier pauvre de Bari où les vilaines petites maisons de pêcheurs voisinent avec celle du boss local. Car, comme Maria nous l’explique,

« Ceux qui n’en possédaient pas faisaient profil bas car, aux yeux des autres cela signifiait que les membres de leur famille ne s’étaient distingués ni en bien ni en mal. Or, comme disait toujours mon père, mieux vaut être méprisé que méconnu ».

Maria a deux frères. L’aîné, Giuseppe, est un bon fils mais le second, Vincenzo, donne beaucoup de fil à retordre à ses parents. Le père n’a pas réussi à le dompter, bien qu’il ait fini par le rosser violemment. La mère, qui n’a pas son mot à dire, essaie de faire comprendre à son mari que la violence n’en viendra pas à bout, mais qu’au contraire, celle-ci est peut-être responsable du comportement de Vincenzo ; mais rien n’y fait. Le père est plein de colère, sa fille le déteste pour cela, et la mère se souvient avec nostalgie qu’il n’a pas toujours été comme cela.

Heureusement, Maria travaille bien à l’école. Le maître, qui se moque souvent de ses élèves, n’est pas avare de compliments sur l’écriture de la petite Maria : il propose à ses parents de les aider à envoyer Maria chez les sœurs, dans une école des beaux quartiers où elle pourra développer ses qualités. Maria, qui souffre en silence d’être différente des autres, a nourri une amitié forte avec Michele, un « Senzasagne », « comme le poulpe. Incapable d’éprouver des sentiments humains ». Il est l’un des fils du «Boss du quartier, mais il porte bien mal le surnom de sa famille car il se distingue par sa gentillesse et son honnêteté.  Mais suite à un grave événement, le père de Maria interdit à sa fille de revoir Michele…

Le roman de Rosa Ventrella nous offre une héroïne forte et déterminée qui comprend vite qu’il ne tient qu’à elle de ne pas être une victime. Elle choisit au contraire de s’opposer à cette société archaïque où, dans les années quatre-vingt encore, le père ou le mari a tout pouvoir sur sa fille et sa femme, et où les petites filles, comme celles des générations précédentes, ne vont à l’école que durant quelques années car cela n’en vaut pas la peine.

On compare parfois ce roman à « L’amie prodigieuse » : comme dans la saga d’Elena Ferrante, le quartier d’origine joue un grand rôle dans la construction de l’identité, et la question du déterminisme social est bien posée. Mais la comparaison s’arrête là. L’écriture de Rosa Ventrella est tranchée et rude, à l’image des habitants du quartier, mais elle décrit très bien les émotions et les sentiments nés de l’expression de cette violence. Elle est en revanche moins fouillée que celle d’Elena Ferrante : pas de longues phrases bien construites qui signent en italien la qualité littéraire de « la Ferrante », pas de pensées disséquées, analysées. Les thèmes de la pauvreté, la violence, l’influence du milieu sur la culture sont présents comme dans la saga d’Elena Ferrante, mais l’histoire de l’Italie et les problématiques politiques et sociales ne sont pas évoquées ici. Du moins pas encore : « Une famille comme il faut » n’évoque que l’enfance et l’adolescence de Maria, mais un second tome est peut-être prévu ?

Le roman de Rosa Ventrella est néanmoins très prenant et m’a fait penser à celui d’Elise Valmorbida, « Maria Vittoria », parce qu’il nous propose un beau personnage féminin et nous ouvre les yeux sur la violence familiale que subissaient les femmes il n’y a pas si longtemps dans nos pays européens et qui subsiste malheureusement dans certaines populations.

 

Une famille comme il faut, Rosa Ventrella, traduit de l’italien par Anaïs Bouteille-Bokobza, éditions Les escales, Paris, janvier 2019, 282 p.

Soria di una famiglia perbene, Rosa Ventrella, Newton Compton Editori, 2018, 320p.